jeudi 18 septembre 2008

Confidences


Confidences

(musique: Keren Ann)
Mon fils,


J'ai passé des années à me sentir tantôt proche de toi, tantôt effrayée. Tu as senti que j'étais différente avec toi. Tu en as souffert, je le sais bien. ils étaient de loin tes aînés. Le tracas que me causait leurs études, leur avenir, me faisait te laisser seul des journées entières. Tu n'avais personne avec qui jouer et rire, toi qui ne disait rien. Tu ne bronchais jamais, ces jours de pluie où tu passais des heures à compter les gouttes qui s'écrasaient sur les vitres.

Je m'affairais, je préparais le repas, lavais, brossais pour que rien de manque. Tu ne posais pas de problèmes, tu ne pleurais pas et cela m'arrangeait bien. Quand je les voyais au village ces femmes aux maris absents, courir après leurs mioches intenables.

Tu étais différent. A l'école, les autres ne t'approchaient pas. Au bac à sable déjà, ils te laissaient de côté lorsque tu batissais avec une sagesse toujours exemplaire le palais de tes rêves. As-tu enfin réussi à le construire, ce chateau?

Tu m'as donné peu de nouvelles depuis ton départ pour Paris. Tu m'as posé peu de questions. A tous ceux qui m'en ont posé, je n'ai pas répondu. Mais toi, mon fils, tu dois savoir pourquoi tu n'as pas ce qu'ils ont. Tu dois comprendre ce joyau qui t'habite et dont ils sont privés.

Je t'ai menti, je n'éprouve aucune honte à te l'avouer. J'avais passé l'âge de la vérité, mes illusions s'étaient éteintes. Tu me blameras, puis à ton tour tu me donneras raison. Peut-être ne me pardonneras-tu pas, en cela aussi tu saurais être unique. Car crois-moi tous acceptent d'être trompés, par peur du changement.

Je t'ai aimé mon fils et puisque je connais ton nom de scène, puisque je t'ai regardée plus que tu ne m'as vue, je t'appelerai Grusso. Ceci est mon journal. Le récit d'une femme qui t'était inconnue et que tu voyais nue lorsque nous prenions notre bain ensemble. Tu était si jeune, t'en souviens-tu? C'est l'histoire d'une mère froide et distante que tu as pu juger indigne, mais qui t'as aimé plus que de raison. Lis-la pour me faire exister, lis-la pour retrouver tes racines, lis-la pour te donner la force de continuer. C'est aussi ton histoire.

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