(musique: ayo)
Grusso grimpa dans le TER, soulevant avec peine son énorme valise. Il la laissa à l'entrée du wagon, l'étiquette portant son nom bien en vue. Il s'installa à l'écart et, n'y tenant plus, ouvrit enfin le journal de sa mère. Le volume n'était pas assez imposant pour raconter une vie, juste assez pour dévoiler une vérité. Embourbé dans les traces de sa mère, Grusso ne s'occupa plus des kilomètres qui défilaient, ni de ses voisins bruyants, ni du tintamarre du train bringuebalant.
Le journal commençait par une note brève destinée à un lecteur inconnu.
15/09/1969
J'ai passé des heures à écrire, à réfléchir sur ce qu'a été ma vie. Probablement rien de plus qu'une suite de hasards. Elle fut parfois heureuse, bien sûr, à chaque jour suffit sa peine. J'ai vécu discrète, en cachant ma véritable nature. Il en y aurait eu plus d'un qui auraient été étonnés. Je n'ai pas honte de ce que je suis, de ce que j'ai fait, les regrets sont absents de mon dictionnaire. 
Je vis dans l'impulsion, elle m'étourdit. L'instant présent m'ennivre, la sensation fait trembler mes muscles. Non, je n'ai jamais voulu de cette existence limpide. Et pourtant, en apparence, n'est-elle pas ainsi, ma vie? J'ai bien failli sombrer à plusieurs reprises dans ce travers, je l'avoue. J'ai été à deux doigts d'être emprisonnée par mon mari, par mes gosses, comme toutes ces femmes. Une bonne femme à la maison? JAMAIS! Une bonne grosse matronne, tuée par l'effort, humiliée par ses hommes, JAMAIS! 
J'en ai croisé des beaux garçons, juste assez pour me tirer de ce mauvais pas. Je n'ai pas mis le pied à l'étrier, ma main dans l'engrenage, j'en éprouve une certaine fierté. Les pressions sont si grandes, pour nous forcer à nous ranger. 
Grusso, tu es né. Tu aurais pu être mon calvaire, tu fus ma liberté. Mon petit, je t'ai mal aimé car en la matière je débutais. Mais pardonne-moi, pense à tous ceux que je n'ai pas aimé du tout.
Les pages se succédaient ensuite, tantôt anthracites de rage, tantôt simplement gratifiées d'un mot sur une ligne vierge. Elle en avait accouché dans la douleur ou dans l'extase, mue par une folle passion d'écrire, habitée par cette obsession. Le journal démarrait peu après la naissance de Grusso. Parfois, elle n'y avait pas écrit pendant des jours voire des années. Puis de nouveau, elle se vidait de tout son saoul, sa plume tempétant et faisant s'envoler les feuilles pour évacuer la tourmente. Elle accouchait de la petite fille déraisonnée qui dans son coeur ne tenait plus en place, ne connaissant aucun carcan.
mercredi 29 octobre 2008
vendredi 17 octobre 2008
Le départ
(musique:Sébastien Tellier)
Il respira les feuilles du cahier, l'encre gommée par le temps, toucha les mots qui faisaient vivre sa mère. Grusso caressa chaque page, puisant entre les lignes une énergie soudaine. Une liaison électrique l'empêchait de lâcher le carnet. Il le feuilletait à l'endroit, puis une nouvelle fois à rebrousse poil sans toutefois parvenir à lire. Les mots glissaient devant ses yeux, son cerveau ne les retenait pas. L'excitation lui tiraillait les tripes. Grusso ferma les yeux et vida son esprit.
La voix murmurait toujours à son oreille, l'esprit de sa mère était près à tout pour une renaissance. Ce lieu le mettait mal à l'aise. Il avait violé un tombeau, cette pièce devait être refermée à jamais. Il y régnait une atmosphère trop pesante, Grusso n'avait rien à faire ici.
Elle appartenait à un temps révolu, elle devait retourner à la poussière. Mais la pièce avait cette obsesionnelle odeur d'amour, cet air de refuge douillet. Il y avait eu du bonheur ici, de la joie, du sexe aussi. Mais pas de rapports forcés pour satisfaire un mari exigeant, non, il y avait eu du plaisir, des orgasmes, des cris, des rires. Pas la moindre effluve de violence.
Grusso prit le carnet, le tint précieusement contre son coeur et referma la porte en silence. Ici, la mort de sa mère serait un long fleuve tranquille, elle attendrait qu'au paradis l'être aimé la rejoigne. Les années passeraient, inertes, dans un silence sans heurts.
Lanveaux ne l'avais jamais aimé, leurs chemins se séparaient définitivement. Grusso partit par le car suivant, avec le sentiment d'être un voleur emportant son trésor en lieu sûr. Il regarda le paysage défiler, la mer qui lui faisait de grands signes d'adieu. le car filait jusqu'à Rennes où un train l'attendait pour Paris. Grusso ne lisait pas, ne pensait plus, grisé par cette soudaine aventure.
Il respira les feuilles du cahier, l'encre gommée par le temps, toucha les mots qui faisaient vivre sa mère. Grusso caressa chaque page, puisant entre les lignes une énergie soudaine. Une liaison électrique l'empêchait de lâcher le carnet. Il le feuilletait à l'endroit, puis une nouvelle fois à rebrousse poil sans toutefois parvenir à lire. Les mots glissaient devant ses yeux, son cerveau ne les retenait pas. L'excitation lui tiraillait les tripes. Grusso ferma les yeux et vida son esprit.
La voix murmurait toujours à son oreille, l'esprit de sa mère était près à tout pour une renaissance. Ce lieu le mettait mal à l'aise. Il avait violé un tombeau, cette pièce devait être refermée à jamais. Il y régnait une atmosphère trop pesante, Grusso n'avait rien à faire ici.
Elle appartenait à un temps révolu, elle devait retourner à la poussière. Mais la pièce avait cette obsesionnelle odeur d'amour, cet air de refuge douillet. Il y avait eu du bonheur ici, de la joie, du sexe aussi. Mais pas de rapports forcés pour satisfaire un mari exigeant, non, il y avait eu du plaisir, des orgasmes, des cris, des rires. Pas la moindre effluve de violence.
Grusso prit le carnet, le tint précieusement contre son coeur et referma la porte en silence. Ici, la mort de sa mère serait un long fleuve tranquille, elle attendrait qu'au paradis l'être aimé la rejoigne. Les années passeraient, inertes, dans un silence sans heurts.
Lanveaux ne l'avais jamais aimé, leurs chemins se séparaient définitivement. Grusso partit par le car suivant, avec le sentiment d'être un voleur emportant son trésor en lieu sûr. Il regarda le paysage défiler, la mer qui lui faisait de grands signes d'adieu. le car filait jusqu'à Rennes où un train l'attendait pour Paris. Grusso ne lisait pas, ne pensait plus, grisé par cette soudaine aventure.
vendredi 10 octobre 2008
Derrière l'armoire
musique: Aaron Neville
Grusso se jeta finalement sur sa lampe de poche et descendit à la cave. "Clairette Jaillance", indiquait une étiquette, parmi l'alignement de bouteilles. Il se mit sur la pointe des pieds pour atteindre le rayonnage du haut et en tira une clairette grise de poussière.
Il en fit sauter le bouchon qui frappa le plafond dans un POP! retentissant. "A la vérité intraitable", annonça-t-il solenellement en avalant la mousse. Après une longue inspiration, il retira le second fond et plongea sa main dans le troisième. Sa main balança dans le vide, sans rien toucher. En tatonnant, son bras cogra contre un barreau de fer glacé. Il passa sa tête dans le trou, mais ne vit rien d'autre que la nuit noire. Allumant sa torche, il découvrit alors un étrange spectacle. Le sol était à deux mètres sous lui. Il était couvert de magnifiques tapis brodés, dont les couleurs sautaient aux yeux, les faisaient entrer dans une sphère irréelle. La pièce puait le renfermé et avait été laissée à l'abandon. Les objets y trainaient toujours, comme si elle pouvait être rouverte à tout moment. Un lit à baldaquin trônait au centre de la chambre. Les draps étaient encore tirés et des édredons roses attendaient le dormeur.
Grusso descendit l'échelle en métal. Ses pieds nus furent brûlés par la fraicheur des barreaux. L'odeur devint vite insupportable, il chercha une aération. Un panneau de bois s'ouvrait directement sur la cour. Une commodé sculptée dans du cèdre ornait le coin gauche de l'alcôve. Grusso en fouilla les tiroirs, uns à uns. La plupart étaient vides, le dernier lui offrit un cahier beige aux coins cornés, protégés par un papier kraft. Il le prit délicatement. C'était son trésor, il était le gardien du secret.
Dans la pièce régnait une atmosphère divine, rapellant l'ambiance des temples. Envahi par l'odeur, transporté par le lieu, Grusso vacilla sur le matelas.
Grusso se jeta finalement sur sa lampe de poche et descendit à la cave. "Clairette Jaillance", indiquait une étiquette, parmi l'alignement de bouteilles. Il se mit sur la pointe des pieds pour atteindre le rayonnage du haut et en tira une clairette grise de poussière.
Il en fit sauter le bouchon qui frappa le plafond dans un POP! retentissant. "A la vérité intraitable", annonça-t-il solenellement en avalant la mousse. Après une longue inspiration, il retira le second fond et plongea sa main dans le troisième. Sa main balança dans le vide, sans rien toucher. En tatonnant, son bras cogra contre un barreau de fer glacé. Il passa sa tête dans le trou, mais ne vit rien d'autre que la nuit noire. Allumant sa torche, il découvrit alors un étrange spectacle. Le sol était à deux mètres sous lui. Il était couvert de magnifiques tapis brodés, dont les couleurs sautaient aux yeux, les faisaient entrer dans une sphère irréelle. La pièce puait le renfermé et avait été laissée à l'abandon. Les objets y trainaient toujours, comme si elle pouvait être rouverte à tout moment. Un lit à baldaquin trônait au centre de la chambre. Les draps étaient encore tirés et des édredons roses attendaient le dormeur.
Grusso descendit l'échelle en métal. Ses pieds nus furent brûlés par la fraicheur des barreaux. L'odeur devint vite insupportable, il chercha une aération. Un panneau de bois s'ouvrait directement sur la cour. Une commodé sculptée dans du cèdre ornait le coin gauche de l'alcôve. Grusso en fouilla les tiroirs, uns à uns. La plupart étaient vides, le dernier lui offrit un cahier beige aux coins cornés, protégés par un papier kraft. Il le prit délicatement. C'était son trésor, il était le gardien du secret.
Dans la pièce régnait une atmosphère divine, rapellant l'ambiance des temples. Envahi par l'odeur, transporté par le lieu, Grusso vacilla sur le matelas.
mercredi 1 octobre 2008
Le triple-fond
(musique: Ghinzu)
Ainsi le notaire avait raison. Sa mère était bien venue voir son spectacle, dans le plus pur anonymat. Résonnant contre les murs de la chambre, l'étrange voix retentit de nouveau. Sa mère hantait encre chaque parcelle de cette maison, son parfum y resterait à jamais gravé.
"Tu vois, Grusso, tu es près de moi maintenant...quelques mètres à peine...libère-moi!"
Grusso vida l'armoire avec une frénésie presque effrayante. Il ignorait comment sa mère était parvenue à imiter son invention. Elle avait bien caché son jeu, comme toujours. Le secret faisait partie d'elle, il débordait de chacne de ses pores, elle transpirait d'inconnu et de mystère. Elle était une tombe vivante, elle avait désormais trouvé sa place au cimetière tout naturellement. Là-bas, entre les pierres et les plantes rampantes, elle n'était plus qu'une étrangeté parmi d'autres.
Il savait que lorsque que plus un seul vêtement n'encombrerait le meuble, il oterait le premier panneau de bois. Un second, identique, apparaitrait. il dévoilerait peut-être quelques objets précieux, des économies dissimulées. Il enlèverait alors le second panneau et plongerait fiévreusement ses doigts dans le trou béant, à la recherche d'une stupéfiante vérité.
Mais après avoir soulevé le premier fond, Grusso se sentit pris de vertiges, incapable de poursuivre. Cette vérité, voulait-il vraiment la connaître? Jamais il ne lui avait couru après. Elle venait à lui, naïve, il n'avait qu'à en déméler les ficelles. Une fois de plus, il avait obéi aveuglément. Sa mère avait ordonné de goûter la cigüe, il s'empressait d'obtempérer. Jamais il n'avait pu lui mentir. Cette mère, il l'avait détestée et vénérée comme il ne l'aurait fait avec aucune autre. Il avait toujours marché sur sa trace en silence, se gardant bien du moindre faux pas. Elle lui imposait la vérité comme une condamnation. Il n'en voulait pas, la douce musique de l'ignorance avait bien plus de valeur.
C'était sans compter sa curiosité. Elle le poussait, elle voulait savoir. Foutue envie de vouloir en savoir trop, impossible désir. Soif inssassiable, apétit vorace et dévastateur. La curiosité enivre, on la réprime puis on se jette avec avidité sur l'objet de l'envie, jusqu'au cri orgasmique, jusqu'à la paix.
Ainsi le notaire avait raison. Sa mère était bien venue voir son spectacle, dans le plus pur anonymat. Résonnant contre les murs de la chambre, l'étrange voix retentit de nouveau. Sa mère hantait encre chaque parcelle de cette maison, son parfum y resterait à jamais gravé.
"Tu vois, Grusso, tu es près de moi maintenant...quelques mètres à peine...libère-moi!"
Grusso vida l'armoire avec une frénésie presque effrayante. Il ignorait comment sa mère était parvenue à imiter son invention. Elle avait bien caché son jeu, comme toujours. Le secret faisait partie d'elle, il débordait de chacne de ses pores, elle transpirait d'inconnu et de mystère. Elle était une tombe vivante, elle avait désormais trouvé sa place au cimetière tout naturellement. Là-bas, entre les pierres et les plantes rampantes, elle n'était plus qu'une étrangeté parmi d'autres.
Il savait que lorsque que plus un seul vêtement n'encombrerait le meuble, il oterait le premier panneau de bois. Un second, identique, apparaitrait. il dévoilerait peut-être quelques objets précieux, des économies dissimulées. Il enlèverait alors le second panneau et plongerait fiévreusement ses doigts dans le trou béant, à la recherche d'une stupéfiante vérité.
Mais après avoir soulevé le premier fond, Grusso se sentit pris de vertiges, incapable de poursuivre. Cette vérité, voulait-il vraiment la connaître? Jamais il ne lui avait couru après. Elle venait à lui, naïve, il n'avait qu'à en déméler les ficelles. Une fois de plus, il avait obéi aveuglément. Sa mère avait ordonné de goûter la cigüe, il s'empressait d'obtempérer. Jamais il n'avait pu lui mentir. Cette mère, il l'avait détestée et vénérée comme il ne l'aurait fait avec aucune autre. Il avait toujours marché sur sa trace en silence, se gardant bien du moindre faux pas. Elle lui imposait la vérité comme une condamnation. Il n'en voulait pas, la douce musique de l'ignorance avait bien plus de valeur.
C'était sans compter sa curiosité. Elle le poussait, elle voulait savoir. Foutue envie de vouloir en savoir trop, impossible désir. Soif inssassiable, apétit vorace et dévastateur. La curiosité enivre, on la réprime puis on se jette avec avidité sur l'objet de l'envie, jusqu'au cri orgasmique, jusqu'à la paix.
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