mercredi 1 octobre 2008

Le triple-fond

(musique: Ghinzu)

Ainsi le notaire avait raison. Sa mère était bien venue voir son spectacle, dans le plus pur anonymat. Résonnant contre les murs de la chambre, l'étrange voix retentit de nouveau. Sa mère hantait encre chaque parcelle de cette maison, son parfum y resterait à jamais gravé.
"Tu vois, Grusso, tu es près de moi maintenant...quelques mètres à peine...libère-moi!"
Grusso vida l'armoire avec une frénésie presque effrayante. Il ignorait comment sa mère était parvenue à imiter son invention. Elle avait bien caché son jeu, comme toujours. Le secret faisait partie d'elle, il débordait de chacne de ses pores, elle transpirait d'inconnu et de mystère. Elle était une tombe vivante, elle avait désormais trouvé sa place au cimetière tout naturellement. Là-bas, entre les pierres et les plantes rampantes, elle n'était plus qu'une étrangeté parmi d'autres.
Il savait que lorsque que plus un seul vêtement n'encombrerait le meuble, il oterait le premier panneau de bois. Un second, identique, apparaitrait. il dévoilerait peut-être quelques objets précieux, des économies dissimulées. Il enlèverait alors le second panneau et plongerait fiévreusement ses doigts dans le trou béant, à la recherche d'une stupéfiante vérité.
Mais après avoir soulevé le premier fond, Grusso se sentit pris de vertiges, incapable de poursuivre. Cette vérité, voulait-il vraiment la connaître? Jamais il ne lui avait couru après. Elle venait à lui, naïve, il n'avait qu'à en déméler les ficelles. Une fois de plus, il avait obéi aveuglément. Sa mère avait ordonné de goûter la cigüe, il s'empressait d'obtempérer. Jamais il n'avait pu lui mentir. Cette mère, il l'avait détestée et vénérée comme il ne l'aurait fait avec aucune autre. Il avait toujours marché sur sa trace en silence, se gardant bien du moindre faux pas. Elle lui imposait la vérité comme une condamnation. Il n'en voulait pas, la douce musique de l'ignorance avait bien plus de valeur.
C'était sans compter sa curiosité. Elle le poussait, elle voulait savoir. Foutue envie de vouloir en savoir trop, impossible désir. Soif inssassiable, apétit vorace et dévastateur. La curiosité enivre, on la réprime puis on se jette avec avidité sur l'objet de l'envie, jusqu'au cri orgasmique, jusqu'à la paix.

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