(musique: Placebo)
"Justement parce qu'elle ne me connaissait pas. Je n'en savais que peu sur elle; mais elle avait conscience comme moi que le secret professionel n'est que baliverne pour appâter le client. Votre mère était, je crois, persuadée qu'un notaire du coin se serait empressé de divulguer ses petites affaires à tout le comté. Observant le travail de certains confrères, je peux vous assurer qu'elle n'avait pas tort. Paris offre de bien plus excitantes distractions que les cachoteries d'une femme de Lanveaux, ne croyez vous pas?"
"Vous ne semblez pas avoir beaucoup apprécié ma mère", fit remarquer Grusso.
"Elle était sympathique, mais je n'ai franchement que faire de ses histoires. Je ne fais que mon travail. ma présence ici est d'ordre strictement professionel."
Grusso fut sur le point d'intervenir puis se ravisa. Le notaire enchaina.
"L'ordre des choses voudrait que nous commencions par les formalités administratives, mais ni le lieu ni le moment ne s'y prêtent. La présence de vos frères est également requise pour la lecture du testament, excepté pour cette clause qui vous est réservée. Elle m'a chargé de vous rencontrer, c'est chose faite. Elle a dit que vous comprendriez. Personellement, quelque chose a dû m'échapper dans son discours qui était pour le moins farfelu." "Entre clown, on se comprend peut-être", ajouta-t-il comme pour lui même sur un ton plus bas.
"Je vous répète exactement le message qu'elle m'a laissé à votre attention: "La lettre est le début du chemin, le reste est derrière la porte. Armoire pleine, armoire vide et la magie résoud l'équation. Tu comprendras."
Grusso fronça les sourcils. Les blagues, c'était plutôt à lui de les faire d'habitude. Il fit répéter le notaire.
"La lettre est le début du chemin, le reste est derrière la porte. Armoire pleine, armoire vide et la magie résoud l'équation. Tu comprendras." répéta le notaire impassible.
"Vous êtes bien certain que ma mère n'était pas...dérangée? Les défaillances cérébrales peuvent toucher n'importe qui de nos jours."
"Je vous le répète, je suis là pour réaliser la mission dont elle m'a chargé, je n'accorde au reste aucune importance. Nous lirons le testament demain en présence des membres de la famille concernés. Cette énigme s'adresse à vous et à vous seul. En parler serait trahir sa mémoire."
L'homme repartit, des gouttes de pluie fines perlaient sur son costume. Il descendit de la dune à pas mesurés, sa serviette sous le bras, comme dansant sur une marche funèbre. Grusso, perdu dans ses pensées, regarda sa tâche s'effacer au loin. De sa bouche s'enfuyaient des bribes de discours: "lettre, armoire vide". Il répétait pendant quelques secondes les mêmes mots puis se taisait soudain. Ses lèvres restaient alors surpendues en forme de cercle, sa langue dépassait entre ses dents.
Il demeura immobile durant de longues minutes. Les inconnues étaient si nombreuses à se bousculer dans sa tête qu'il ne pouvait penser à rien. Une vague lui mouilla la cheville. Tiré de sa torpeur, il s'enfuit mi-courant, mi-dérapant dans le sable facétieux.
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